LInstitut syndical européen (ETUI, European Trade Union Institute) a publié fin mars un rapport consacré au programme de la Commission européenne pour "une meilleure réglementation". La Commission souhaite supprimer ou réviser certaines directives, et promet aux entreprises des économies de lordre de 40 milliards deuros grâce à la réduction des "formalités administratives" imposées par ces législations. Dans Better Regulation : perspectives critiques, Laurent Vogel (ETUI) et Eric Van den Abeele (Université de Mons) dévoilent le dessous des cartes de cette opération.
Dans la première partie du rapport, intitulée "Donner au mensonge lapparence de la vérité", Laurent Vogel décortique la méthodologie utilisée par les cabinets d'audit et de conseil mandatés par la Commission pour réaliser létude qui annonce ce chiffre de 40 milliards deuros déconomies. "Cette méthodologie ne semble jamais avoir fait lobjet de validation de la part de chercheurs en économie et en statistiques", constate lauteur. Plus alarmant encore, "dans quelques cas, il y a eu aussi des manipulations flagrantes destinées à satisfaire les injonctions politiques des commanditaires".
Quant aux bienfaits des mesures préconisées, Laurent Vogel estime quelles conduiront à un simple déplacement des coûts plutôt quà une véritable réduction.
Lauteur critique également lattention excessive accordée par la Commission aux travaux dun groupe dexperts chargé daccompagner le programme "Meilleure réglementation". Ce groupe, surnommé groupe Stoiber, en référence à lancien Président conservateur bavarois qui le préside, est majoritairement composé de personnalités très favorables aux thèses "dérégulationistes". Le rapport épingle ainsi quà côté de ses activités de conseiller de la Commission, M. Stoiber occupe depuis le 11 novembre 2009 le poste de président du Conseil consultatif de Deloitte, un des cabinets qui ont réalisé létude évoquée plus haut.
La deuxième partie du rapport est tout aussi sévère. "Le programme Mieux légiférer : une nouvelle religion en quête de fidèles ?", sinterroge Eric Van den Abeele. Lauteur replace lexercice dans le contexte idéologique qui la vu naître, début des années 1990, et dresse le panorama de son évolution jusquà nos jours. Si, au départ, lagenda "Mieux légiférer" prétendait améliorer la qualité rédactionnelle de la législation, lobjectif semble désormais non plus daméliorer les directives mais tout simplement de supprimer celles suspectées dêtre les plus nuisibles à la compétitivité des entreprises.
A lheure dun premier bilan, le succès de lopération ne convainc guère lauteur : "Paradoxalement, au cours de son développement, lagenda Better regulation a généré sa propre bureaucratie alors même que la lutte contre ce phénomène constitue précisément sa raison dêtre."
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